Dès ses premières minutes, ‘Au hasard Balthazar’ est un film baigné d’absolu et d'innocence : deux jeunes enfants y recueillent un âne, qu'ils baptisent du nom d'un roi mage et auquel ils prodiguent le « sel de l'intelligence ». Miracle ? Qu'on ne s'y trompe pas : l’âne du film de Bresson est une figure largement comparable à celle du prince Mychkine, ‘L'Idiot’ de Dostoïevski ; autrement dit, une variation christique, dont la vie nous est contée en parallèle à celle d'une jeune fille, Marie (Anne Wiazemsky, voix sublime et visage irradiant de pureté, dont c'est ici le premier rôle) – prénom lui aussi lourd de symboles, à mi-chemin entre la Vierge et Marie-Madeleine. Ainsi, se croisant au hasard du destin, l’âne et la jeune fille vont découvrir la cruauté des hommes. Mais cette cruauté, Bresson ne la condamne jamais lourdement, il trouve par rapport à elle une distance d’autant plus glaçante qu’elle est juste, et rendue avec une extrême sensibilité par la composition et la durée de ses plans. C’est sans doute ce qui donne à l’œuvre de Bresson une grâce incomparable. Autant que ses films, sa démarche cinématographique se révèle passionnante, quête à la fois divine et humaine, éthique et sensible. On aurait alors envie de s’immerger dans ses ‘Notes sur le cinématographe’, et d’évoquer la manière dont son regard s'attache à des parties isolées du corps, à des symboles, ou de débattre de son travail sur le son et avec ses « modèles » (plutôt qu'acteurs), dont le cinéaste cherche à capter l'âme à travers les mouvements inattendus des corps. Bref, s’il ne faut garder qu’un mot, alors oui : un miracle.
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