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Critique

Whiplash

4 sur 5 étoiles
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Time Out dit

Il paraît que la musique adoucit les mœurs. Le réalisateur Damien Chazelle semble en désaccord complet sur la question. Avec Whiplash, le cinéaste filme la musique, le jazz plus précisément, sous l’angle de la performance, du conflit et de l’excellence, voire du défi physique. Certains spectateurs s’étonneront peut-être de ne pas voir de joie, de camaraderie, d’amusement, dans une œuvre dédiée à un art qui procure du plaisir à tout le monde. C’est là tout l’intérêt du film. Le réalisateur lui-même sait de quoi il parle : « En tant que jeune batteur d’un orchestre de jazz dans un conservatoire, confie-t-il dans sa note d’intention, je ressentais souvent de la peur. La peur de rater une mesure, de perdre le tempo. Et surtout la peur de mon chef d’orchestre. Avec Whiplash, je voulais réaliser un film de guerre ou de gangsters, un film dans lequel les instruments de musique remplacent les armes à feu. »

Force est de constater que Damien Chazelle parvient habilement à ses fins. Son alter ego, Andrew Neiman, est un apprenti batteur de 19 ans inscrit à la Schaffer School of Music, la meilleure école du pays. Dans son esprit, il faut souffrir pour être bon, transpirer, saigner, beaucoup saigner, et sacrifier sa vie sociale, copains et petite amie compris. Un jour, le professeur et chef d’orchestre Terence Fletcher le recrute dans son groupe d’élite, qui répète sans relâche deux standards, Whiplash et Caravan, en vue de passer des auditions. Dans cette petite salle de répétition, Fletcher se révèle un terrible manipulateur, qui insulte ses élèves, les fait craquer, joue sur leur rivalité et leurs failles. Merveilleusement interprété par J.K. Simmons, Fletcher rappelle le sergent instructeur de Full Metal Jacket. Même amour de l’ordre et de la précision, même dégaine qui en impose, même langage fleuri pour ses disciples.

Sous sa férule, les musiciens en bavent. Psychologiquement à fleur de peau, ils sont mis en compétition, obligés de rejouer cent fois une mesure pour trouver le bon rythme, celui qui permet de jouer Caravan sans coup férir. « Not quite my tempo ! », « pas tout à fait mon rythme », remarque Fletcher avec flegme, avant de torturer petit à petit Andrew, qui va se dépasser pour obtenir la reconnaissance de son bourreau. La relation entre les deux hommes s’épaissit au fil du temps de façon remarquable. Malgré le conflit qui les oppose, ils sont liés par la même vision de la musique, celle de l’excellence, de la virtuosité obtenue par le travail et les sacrifices. Sans tenir compte des circonstances historiques, ils regrettent les jazzmen d’antan, le dépassement de soi, qui sous-entend forcément une forme de lutte symbolisée par l’anecdote sur Charlie Parker, qui serait devenu le grand « Bird » le soir où un musicien lui a jeté une cymbale au visage à cause d’un solo raté.

Derrière ses airs de film parfaitement calibré pour Sundance, la grand-messe des indés américains où Whiplash a gagné le Grand Prix du jury et le Prix du public, le second long métrage de Damien Chazelle démontre de vraies qualités pour représenter à l'écran la musique et le travail qu’elle réclame. Il surprend le spectateur, l’emmène avec lui dans les arcanes du jazz et le stupéfie par un final aussi long que grandiose. 

Détails de la sortie

  • Date de sortie:vendredi 16 janvier 2015
  • Durée:105 mins

Crédits

  • Réalisateur:Damien Chazelle
  • Scénariste:Damien Chazelle
  • Acteurs:
    • Miles Teller
    • J.K. Simmons
    • Paul Reiser
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