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Anders Thomas Jensen possède déjà un parcours auréolé de plusieurs moments de gloire. Vers la fin des années 1990, deux de ses courts métrages, ‘Ernst et la Lumière’ ainsi que ‘Soirées d’élections’, lui ont valu une nomination aux oscars et même une statuette pour le dernier. Ce n’est qu’au début du XXIe siècle que le Danois réalise son premier long métrage, achevant de se créer un style atypique. Allant jusqu’à s’affirmer comme une figure de son cinéma natal grâce à un mélange d’humour noir et de tragédie, saupoudré de personnages toujours très étranges (mais non moins attachants). Une caractéristique qui se retrouve aujourd’hui dans son nouveau film. Celui-ci nous raconte l’épopée de deux frères sur une île isolée, à la recherche de leur père biologique, et de leur rencontre avec le reste de leur fratrie dont ils ignoraient jusqu’alors l’existence. Armé d’un humour irrévérencieux, ‘Men and Chicken’ parvient à mêler une ambiance dérangeante au possible avec des dialogues absurdes qui déclencheront à plusieurs reprises l’hilarité du spectateur. Car, malgré son côté glauque, le film sait rester léger et drôle. Détonnant dans le paysage des comédies actuelles.
Son efficacité dans le registre du comique, ‘Men and Chicken’ la doit tout d’abord à ses personnages et leurs interprètes. Tous sont loufoques dans leurs détails : que ce soit le bec de lièvre que partagent de nombreux protagonistes, l’obsession pour le fromage d’un de ces drôles d’énergumènes ou bien encore la fâcheuse manie qu’a Elias, l’un des deux frères incarné par un Mads Mikkelsen méconnaissable, à se masturber en permanence. En plus de cette galerie de personnages hauts en couleur, c’est la part cachée des choses qui apporte un surplus d’ironie aux situations tout en étant l’un des points centraux de la dernière œuvre d’Anders Thomas Jensen. Autant dans la mise en scène (le gênant rendez-vous galant du début) que dans le scénario (la découverte d’une famille inconnue, un sifflement intrigant à l’étage de la maison, etc.), la dissimulation occupe une place de choix et renforce à tous les coups la sensation de malaise ou de jubilation.
Toutefois, si le début laisse peu de temps pour respirer entre les fous rires, l’ensemble s’essouffle assez rapidement et ne parvient pas vraiment à maintenir le spectateur en haleine. Le mystère qui entoure cette histoire de famille pas comme les autres met du temps à se révéler alors que l’humour peine à se renouveler. A chaque fois qu’un secret est découvert, un autre vient aussitôt prendre sa place, faisant traîner en longueur l’enquête des héros jusqu’à une conclusion étonnante et complètement barrée qui vient un peu redorer le blason du film. De nombreux éléments comiques, qui ne se justifiaient jusque-là que par la dose de rire qu’ils procuraient, prennent alors la forme d’indices amenant à un twist final surprenant. Par conséquent, même si ‘Men and Chicken’ possède un ventre mou un peu regrettable, cela ne l’empêche pas d’être une comédie très efficace, à mille lieues de tout ce que l’on peut voir au cinéma de nos jours.