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Cinq ans après son dernier film (Twin Peaks : Fire Walks With Me, 1992) et près de sept piges après son dernier succès sur grand écran (Sailor & Lula, Palme d’or à Cannes en 1990), David Lynch fait enfin son retour au cinéma après avoir métamorphosé le genre sériphile à la télévision (Twin Peaks). Et dès le début du film, on est rassuré : le long-métrage du génie américain va constituer (avec Mulholland Drive, son successeur) l’une des œuvres les plus ambitieuses et complexes du cinéma moderne.
Le pitch ? Volontairement labyrinthique et brouillon… Dans une banlieue californienne, le saxophoniste de jazz Fred est hanté par l’infidélité présumée de sa femme Renée et par l'arrivée mystérieuse d'enregistrements vidéo tournés à l'intérieur de leur maison. Fred se voit, sur une cassette, à côté du corps inerte de sa femme, et est arrêté pour meurtre. Du jour au lendemain, Fred disparaît, pour être remplacé par un garagiste, Pete, qui n'a aucune idée de la façon dont il a fini en prison. Pour rendre les choses encore plus mystérieuses, Pete s'implique à nouveau avec Alice, la maîtresse de son ami gangster Mr Eddy, le conduisant dans une intrigue cauchemardesque qui ne commence à se lier que progressivement, de manière obscure, avec Fred…
Si vous n’avez pas compris grand-chose, c’est normal : vous venez d’atterrir dans le mental tourmenté d’un schizophrène, terrain d’expérimentation d’un David Lynch qui dépasse ici tout ce qu'il n'avait pu qu’effleurer auparavant (et tout ce qui a pu être fait dans l’histoire du cinéma). Sur fond de rêve halluciné, d’images troublantes et de musique rock (coucou Lou Reed), le réalisateur s’amuse à déconstruire l’espace et le temps et nous propose une œuvre qui pousse à fond le curseur de l’abstrait, où les émotions à peine suggérées s’enchaînent et disparaissent aussi vite les unes que les autres. Fascinant, à condition de s’y promener sans chercher les réponses (si ce n’est celles métaphoriques), élevant au rang d’art le mantra lynchien par excellence : le mystère, définitivement la forme la plus proche du rêve pour le cinéaste.