Reliez les points
En 1999, le BFI établit un classement des meilleurs films britanniques dans lequel 'Le Troisième Homme' de Carol Reed obtient la première place. Toutefois, selon nos collègues de Time Out Londres, le film devrait plutôt se contenter de la deuxième. Mais enfin, ce n'en est pas moins un chef-d'œuvre. Tout le génie de ce film noir magistral, se déroulant en Europe, réside dans la façon dont il taquine et mystifie le spectateur, persuadé de regarder là une adaptation quelconque de roman de gare, autour d'un honnête bougre ayant atterri dans le décor d'une Vienne d'après-guerre en ruine, et qui ne trouvera pas le repos avant d'avoir démasqué un complot concernant le décès d'un vieux copain.
Notre héros, Holly Martins (Joseph Cotten), médiocre auteur de westerns, décide d'enquêter sur la prétendue mort de son acolyte Harry Lime (Orson Welles), un trafiquant dont la dernière embrouille aurait mal tourné. Plus Holly se risque et s'aventure hors de sa tanière, plus il devient clair que la désinvolture du film de Carol Reed sert simplement à dissimuler une critique, sombre et plaintive, d'un monde souillé par la corruption et le mal. Remplacez Vienne par Los Angeles et c'est en gros 'Chinatown' de Polanski.
Tout aussi inventif et grisant que le récit soit, sa beauté réside dans sa construction, parfaitement pensée et parfois excentrique, que ce soit à travers la photographie pleine de contrastes de Robert Krasker, les airs de cithare et la musique envoûtante d'Anton Karas ou la représentation d'un monde tellement décomposé par la politique, la religion, le genre et la langue que l'on commence à comprendre pourquoi les personnages ne voient plus aucun attrait à la compassion. « Eprouverais-tu vraiment de la pitié si l'un de ces points cessait de bouger ? », questionne Harry Lime. Voici donc un film qui résonne comme une puissante et effrayante interrogation, hésitant entre quête de la vérité et désespoir.