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Plusieurs aspects de ‘L’Atalante’ ont concouru à en faire l’un des films français les plus mythiques. D'abord son réalisateur, Jean Vigo, cinéaste d’une poésie folle et fils d'anarchiste, mort à 26 ans pendant le montage de ce qui restera son unique long métrage. Et comme si ça ne suffisait pas, le destin rocambolesque s'en prit au film lui-même : remonté (mutilé) par les producteurs de l'époque après la mort de Vigo, rebaptisé sans relief ‘Le chaland qui passe’… avant d’être redécouvert, quinze ans plus tard, et plébiscité par les cinéphiles des années 1960, puis finalement restauré en 1990 selon le montage désiré par son auteur. Rien que cela en fait un film inespéré.
En lui-même, ‘L’Atalante’ brille par sa liberté, en particulier celle que Jean Vigo laisse à son mémorable acteur, Michel Simon, qui décrivait ainsi la méthode du cinéaste : « Nous avons tourné le film. Je disais à Vigo : tout de même, j'aurais bien aimé avoir un texte pour l’apprendre. Il me répondait : tout ce que je pourrais écrire sera beaucoup moins drôle que ce que vous allez dire. » Improvisant en permanence, l'interprète du père Jules, vieux et truculent loup de mer, paraît en effet s’en donner à cœur joie, et, sous l’œil complice de Vigo, multiplie les moments de poésie rugueuse.
Pourtant, l'histoire est basique : Juliette (Dita Parlo) fuit l'ennui de la campagne en épousant un jeune marin, Jean (Jean Dasté), et embarque avec lui à bord de l’Atalante. Mais leur vie de couple, aux côtés du père Jules (Michel Simon, donc) n'est pas vraiment de tout repos. Rêvant de Paris, Juliette profite d'une escale pour quitter le bateau et son propriétaire. Jean déprime, jusqu'à ce que le père Jules décide de se lancer à la recherche de la jeune femme.
A partir de ce scénario de film de commande, Vigo invente des scènes magiques, des parenthèses suspendues dans le temps, à l’image de cette séquence où Juliette rejoint le père Jules dans le cabinet de curiosité qui constitue sa cabine. Ou encore, dans cette inoubliable scène d'amour et de rêve, où les amants séparés fantasmant l’un sur l'autre finissent par se trouver réunis dans une surimpression d’images. Car c’est tout un langage cinématographique que Jean Vigo tend à définir avec ‘L’Atalante’, tournant certaines scènes en muet, d'autres en parlant, d'autres encore en musique. En plus d’être un film inoubliable, audacieux, aux cadres scotchants, ‘L’Atalante’ est aussi une formidable grammaire du cinéma. Pas la grammaire de l’école, mais cette grammaire souple d’une langue véritablement vivante, de celles qui s’inventent dans les poèmes.
A noter que ce film fait partie de notre collection des meilleurs films d'amour de l'histoire du cinéma : à découvrir ici.
Ce film est arrivé à la huitième place de notre classement des 100 meilleurs films français de tous les temps - cliquez ici pour voir la liste complète.