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Dans l’antiquité juive, le légendaire guerrier Samson tirait sa force de ses cheveux. Dans la France des années 1970, le jeune André (Didier Sauvegrain) aussi. Dix-huit ans, discret, menuisier dans une bourgade de Picardie, il porte ses cheveux blonds jusqu’aux épaules. Comme ça, parce que ça lui plaît. Ce n’est pas du goût de son patron, vieux con en chef et chauve comme un moine, qui lui ordonne d’adopter une coiffure plus courte. Il refuse et résiste, prenant lentement conscience de son individualité et de ses droits. L’atelier et le village se divisent sur son cas jusqu’au drame.
Le cheveu long pour les hommes est un sujet de discorde depuis des millénaires. Trop féminin, trop sensuel, il semble incarner une liberté personnelle ou une allégeance à des croyances qui menacent le pouvoir en place. Dixit le Nouveau Testament : « La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas que, pour un homme, il est déshonorant d’avoir les cheveux longs ? » Aux Etats-Unis, l’une des premières mesures concernant l’assimilation des Amérindiens au XIXe siècle a consisté à couper leurs longues tresses traditionnelles. Dans le film, le patron d’André lui lance : « Vous courez tout droit à la pédérastie et la drogue. » « Long hair, don’t care » (« J’ai les cheveux longs et je m’en fiche »), répondent les hippies du monde entier, le jeune menuisier avec eux.
Une histoire millénaire qui se termine avec André, victime expiatoire d’une blondeur d’ange, placé seul au centre d’un cercle prêt à jeter la pierre. Aucun chemin ne s’ouvre pour lui dans ce village picard aux briques sombres : Philippe Condroyer filme les recoins obscurs, les fenêtres fermées, les parois pelées, enfermant son héros dans un dédale serré. Le ciel semble froid et immense, faisant craindre la liberté au lieu d’inciter au départ. Cet emprisonnement illustre la fermeture des habitants dont le verbe est catégorique et la logique guidée par la loi du plus fort. Ceux qui sont « proches de la direction », selon une formule mystérieuse du receveur des postes, ont à cœur de ne pas peiner les notables conservateurs. Une solidarité bien ordonnée qui se referme sur la jeunesse chevelue et sur ses modestes défenseurs.
La musique participe à créer l’enfermement par des sons graves et menaçants qui accompagnent la tension. « J’y ai attaché beaucoup d’importance, explique Philippe Condroyer. Avec un musicien de free jazz, nous avons décidé de faire de cette musique une improvisation à l’image. C’est une musique parfaitement authentique, faite sur la sincérité de ceux qui l’ont composée. » Plus largement, la sincérité est bien l’essence de ce film simple et délicat ; on se réjouit du retour de la bande restaurée sur nos écrans plus de quarante ans après sa première sortie.