C’est d’abord le rire, grinçant, caquetant, de Joaquin Phoenix qui vous prend aux tripes. Le genre de truc qui va résonner dans vos oreilles longtemps après le clap de fin de cette réinvention brillamment viscérale, et à l’humour sinistre, du superméchant de DC. Phoenix est magnétique dans cette vision cauchemardesque du capitalisme moderne, probablement le meilleur film de “social horror” depuis Get Out. Il incarne Arthur Fleck, un homme dont l’ambition – vivre de ses blagues – s’accorde mal avec son difficile quotidien de clown dans les rues crasseuses de Gotham. Il vit avec sa mère dans un appartement miteux et sa seule joie consiste à mater le talk-show télévisé de Murray Franklin (Robert de Niro). Arthur suit sept traitements simultanés et est affecté d’un trouble neurologique qui le fait rire – ou plutôt caqueter donc – de manière incontrôlable.
Lorsqu’il finit par craquer – dans une scène haletante dans le métro –, il entraîne avec lui un mouvement de contestation qui se répand dans toute la ville. Sa face de clown est adoptée par les manifestants comme le masque de Guy Fawkes dans V pour Vendetta : Arthur Fleck devient une figure de proue tandis que que le Joker grandit en lui… Le film de Todd Philipps manœuvre aussi habilement dans la grande storyline de l’univers DC. La mère d’Arthur est en effet l’ancienne employée de Thomas Wayne, le père de Bruce, présenté comme le visage hideux du capitalisme. De quoi faire frémir les fans de Batman, qui sera incarné par Robert Pattinson dans le prochain numéro. Et si Joaquin Phoenix était de la partie ? Ce serait forcément brutal.