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Comme disait la chanson (joliment cruelle) d’Antoinette Des Houlières : « un amant sûr d’être aimé cesse toujours d’être aimable »… Eh bien, de même, ce Tarantino trop sûr de lui finit par nous paraître parfois redondant, et presque vain malgré la sympathie qu’on éprouve pour sa maîtrise visuelle et son évident sens du cool. Sans doute, à force, ses pirouettes de petit malin nous auront lassés.
Ceci dit, les inconditionnels du réalisateur prognathe en auront pour leur argent, et se réjouiront de retrouver dialogues décalés et effusions d’hémoglobine dans ce Django Unchained attendu à l'époque comme le messie. D’ailleurs, ne soyons pas bégueules, et reconnaissons qu’après avoir brillamment incarné le nazi polyglotte d’Inglourious Basterds, Christoph Waltz y est à nouveau impeccablement classe (et à mourir de rire), que Jamie Foxx campe un cow-boy rebelle vraiment fringuant, et que DiCaprio excelle dans son rôle d’ordure esclavagiste. C’est donc entendu : ce western spaghetti au second degré reste tranquillement au-dessus de la mêlée des blockbusters indigents ou donneurs de leçon qui squattent bon nombre d’écrans… Le débat n’est pas là.
Le problème, c’est plutôt que Tarantino, naguère brillant formaliste, se contente ici d’un récit linéaire, délibérément simpliste, qu’il finit par saborder faute de mieux, et que cette limite constitue une aporie dont son cinéma ne semble pouvoir s’extraire. Talentueux mais tape-à-l’œil, c’est au fond toute l’impasse du cinéma « postmoderne » qu’on retrouve dans son film : citationnel, ludique, rigolo certes, mais consumériste et sans proposition. En un mot, vraiment pas de quoi crier au génie.
Surtout – et plus concrètement – force est de constater que Tarantino ne sait vraiment plus finir ses films ! Et c’est là que le bât blesse : sans son inutile dernier tiers, son Django Unchained – pas moins de 2h44, quand même – aurait pu être une agréable tuerie plutôt que ce trop long massacre. Loin de nous, pourtant, l’idée de critiquer par principe la violence gratuite, l’abondance de clichés ou le caractère excessif et parodique de Django Unchained : le véritable ennui étant, en fait, qu’à force de surenchère, le film se retrouve pris au piège de l’aquoibonisme. D’ailleurs, au moment précis où le réalisateur fait basculer son film dans le complet superflu (à cet égard, restons vague et évitons le spoiler), le responsable à l’écran de ce seppuku scénaristique lâche, face caméra : « C’était plus fort que moi, j’ai pas pu m’en empêcher. »
Voilà donc, tout est dit, et Tarantino lui-même en paraît le premier conscient : son cinéma témoigne de sa virtuosité mais il ne va nulle part, sa patte est inimitable mais elle n’évolue guère. C’en est presque triste, d’autant que ça se voudrait drôle. Guignolesque et sympathique, Django Unchained est donc certainement à voir, mais comme on rend visite à un vieux pote qui radote. Ou à une ancienne liaison pour lui dire au revoir. Bah oui. Un amant sûr d’être aimé cesse toujours d’être aimable.