Birdman
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Critique

Birdman

5 sur 5 étoiles
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Time Out dit

Avant, Riggan Thomson était Birdman. Un super-héros de blockbuster adulé par des millions de fans. Un homme-oiseau redoutable qui pouvait sauver le monde et faire exploser plein de trucs en un battement d’ailes. Mais ça, c’était avant. Désormais, Riggan Thomson est juste Riggan Thomson : un type lunaire et dégarni, un ex-mari ingérable, un amant pataud, un père paumé de junkie paumée (Emma Stone, touchante), et surtout un acteur ringard obsédé par sa carrière haletante, et dont le nom sert tout juste à obtenir des camemberts au Trivial Pursuit. Merveilleusement incarné par l’ex-Batman Michael Keaton, Thomson va tenter de retrouver reconnaissance, légitimité et amour-propre en adaptant une nouvelle de Raymond Carver sur les planches de Broadway. Pour l’accompagner dans sa chute libre et libératrice, il va évidemment s’entourer d’une fine équipe de comédiens névrosés, interprétés par Naomi Watts, Andrea Riseborough et un Edward Norton hilarant en acteur prétentieux, alcoolique, narcissique, ultra-sensible et hanté par ses problèmes érectiles.

Voilà, à peu de choses près, pour le pitch de Birdman, finalement presque accessoire. Malin, aérien, tourbillonnant, le long-métrage d’Alejandro González Iñárritu (une comédie, pour changer) pose son scénario en deux temps trois mouvements, pour mieux s’envoler vers quelque chose de beaucoup plus ambitieux. Une sorte de métafilm fantastique et imprévisible sur le monde et la folie du cinéma. Une histoire d’acteurs enfermés dans leur rôle, dans leur théâtre, dans leur nombril, dans ce film, et qui tournent en rond sur un air (noir) de dérision. Ponctué par une batterie tachycardiaque.

Exercice de style au rythme millimétré, Birdman ressemble à une créature étrange et débridée, réalisée en un seul plan-séquence (ou du moins, un faux plan-séquence parfaitement truqué). Claustrée dans le théâtre de Broadway, la caméra ne cligne pas des yeux une seule fois, plane sur les planches pendant les répétitions, butine quelques scènes d’amour en coulisses, saute au plafond à la fin d’un dialogue mi-grivois mi-philosophique, avant de retomber sur ses pattes pour ne pas louper une baston entre Norton (en slip) et Keaton (qui perd la boule). Les vannes fusent, souvent très drôles, épaulées par quelques discours existentiels, parfois d'une grande sensibilité. Comme au théâtre, les personnages se réfugient hors champ pour changer de perruque ou de rouge à lèvres le temps d’un regard absent de la caméra, qui reprend son souffle devant une porte, un lampadaire ou le verre vide d’une critique de théâtre (Lindsay Duncan, impeccable en méchante justicière de la culture) avant de repartir de plus belle, sollicitant miroirs, ellipses, claquements de porte, rotations ou travellings très lents pour poursuivre sa course folle.

Depuis son tonitruant ‘Amours chiennes’, Alejandro Iñárritu nous avait habitués au drame. Au drame très sombre (’21 grammes’), parfois très lourd (‘Biutiful’, ‘Babel’). A des découpages complexes en diptyques ou en triptyques fignolés, pour les meilleurs, par le brillant romancier-scénariste Guillermo Arriaga. Et voilà, soudain, le twist qu’on n’attendait plus. Comédie, unité de lieu, nouvel exercice de style, folie douce. Même s’il s’essouffle un peu en fin de course, étourdi peut-être de s’être trop regardé tournoyer avec une souplesse ahurissante, le dernier Iñárritu se dévore comme une grande bouffée d’air frais. Avec ‘Birdman’, le réalisateur mexicain prouve, 14 ans après ses amours canines, qu’il a encore du chien.

Détails de la sortie

  • Date de sortie:vendredi 2 janvier 2015
  • Durée:119 mins

Crédits

  • Réalisateur:Alejandro González Iñárritu
  • Scénariste:Alejandro González Iñárritu, Nicolás Giacobone, Alexander Dinelaris, Armando Bo
  • Acteurs:
    • Michael Keaton
    • Emma Stone
    • Andrea Riseborough
    • Edward Norton
    • Zach Galifianakis
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