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Ce qu’on aime de la gastronomie montréalaise — et l’une des raisons pourquoi elle est tant couru par les épicuriens du monde entier —, est son côté invitant, personnel, multiculturel… Parfois régressive, mais toujours sérieuse. On peut souvent sentir la chaleur des Québécois, leur sens de l’hospitalité et leur générosité, sans avoir peur de se dévoiler. De briser les barrières. De se réapproprier les codes. Parce que ce n’est pas moi qui l’ai dit ; en reprenant les mots d’un certain David McMillan, « la clientèle québécoise est la meilleure au monde ».
Et s’il y a un duo chef-fe qui exploite ce créneau de manière exceptionnelle en ne cessant de faire briller Montréal à l’international avec leur restaurant phare le Montréal Plaza, c’est bien Charles-Antoine Crête et Cheryl Johnson — dont nous n’avons d’ailleurs pas terminé d’entendre parler.
En février dernier, une nouvelle entité à leur image a vu le jour à la porte voisine du Montréal Plaza : bienvenue chez Juliette Plaza.
Le Juliette Plaza coche la majorité des cases des adjectifs mentionnés en introduction. Nous avons ici droit à une cuisine tellement personnelle du duo Crête-Johnson, que l’on peut s’imaginer ce que Juliette Crête (mère de Charles-Antoine) pouvait servir lors des rassemblements en famille, tout en soupçonnant un brin de folie, une joie de vivre.
C’est dans une petite salle à manger intelligemment disposée pouvant accueillir 30 personnes bien cordées, que Juliette nous accueille. On aime le contraste chic-régressif qui fait sourire : bandes dessinées d’Astérix accrochées au mur, figurines de Schtroumfs ici et là, un bateau tête renversée planant au-dessus du couloir principal… On est bien au Plaza.
Place à la lecture du menu, qui se dévoile en quatre sections : Apéro, Poisson/Viande, À Côtés et Spéciaux du jour. L’équipe réussi à garder les prix sous la barre du 22$ (excluant les spéciaux du jour mettant à l’honneur le dispendieux crabe des neiges à 35$) notamment grâce à l’utilisation d’ingrédients humbles comme la cervelle, le flanc, la langue, les moules, puis, en les proposant en petite portion.
Mais attention, la facture peut monter très rapidement.
Saucisses cocktails (9$), cônes de tartare de truite (7$ l’unité), pétoncles « Red Lobster » (15$), œufs mimosas (5$ l’unité) et un petit bol d’une demi-douzaine de crevettes en écale avec deux pattes de crabe (35$) complète notre première tablée.
Les saucisses, parfaitement sucrées-salées, disparaissent en moins de 5 secondes : j’aurais simplement voulu davantage de moutarde jaune. L’œuf mimosa façon césar joliment décoré par un anchois, puis déposé sur un salpicon mérite d’être déposé sur toutes les tables, tout comme le cône de tartare de truite, dont on se mord les doigts de n’en avoir pris qu’un. Même si la disposition du support conique n’est pas optimale pour faire la « bouchée parfaite » (attendez-vous à une dernière bouchée de purée d’avocat), le plaisir est bien présent - et nous ouvre l’appétit pour les pétoncles façon « Red Lobster ».
Ces derniers, qui furent pour moi l’étoile de la soirée, sont adroitement travaillés en mousseline (et non le pétoncle entier, une autre stratégie pour diminuer le coût de l’assiette), puis frits. Avec la suave mayonnaise épicée et la pimpante sauce cocktail légèrement relevée, cette bouchée de pétoncle raisonne si bien, que j’avais envie de garder les trois morceaux que pour moi.
À ce point de la soirée, après nous avoir servi un « Petit Marin » à base de rhum agricole et de vodka dévoilant une onctueuse et enivrante robe de crème de coco à la fois acide, sucrée et salée qui fait virevolter les papilles - et un premier verre de la bouteille Granit Bio du domaine alsacien Beck-Hartweg (prise sur la carte du Montréal Plaza, frôlant la barre du 90$), je ne pouvais être plus excité pour la suite… Qui s’est avérée être une autre histoire.
Du côté de la mer, la coquille St-Jacques (22$) et les pâtes alphabet au crabe des neiges furent nos choix. Sous un anneau de purée de pommes de terre et de quelques baies d’airelles se cachent de petits cubes de pétoncles, de moules, de crevettes et de billes de saucisse nduja. C’est gourmand, bien dosé en sauce mornay, les assaisonnements sont justes, les épices de la nduja viennent simplement caresser le palais : une réussite que l’on voudra partager à deux au maximum.
Les pâtes alphabet remplissent la promesse de la nostalgie, avec la bisque de crabe tomatée et l’abondance de poivre. Je me demande si les œufs de doré, travaillés comme une bottarga, étaient vraiment nécessaires : j’aurais préféré davantage goûter la délicate chair du crabe.
Les deux derniers plats salés, ainsi qu’un accompagnement de la salade crue de courge dépourvue de toute vivacité et d’acidité, puis d’une focaccia dense et sèche, nous laissent un peu sur notre faim.
D’abord un chawanmushi (une crème à base d’œufs cuits vapeur légèrement gélatineuse) à la cervelle. Imaginez un appareil gélatineux, très fade, mélangé à une cervelle pochée, elle aussi à la même texture, révélant toutes ses subtilités aromatiques… Il faut être fait solide.
Le flan d’agneau, quant à ces quatre petites tranches aussi savoureuses et tendres qu’elles pouvaient être, était malheureusement perdu sous une forêt de persil haché ponctuée de menthe, de pois chiches frits, d’olives noires, puis refermé avec quatre segments de papadum croustillant (pain indien). Un labneh maison surgit de temps à autre, nous aidant ainsi à apprécier cette salade d’herbes.
Du cône au chocolat extrêmement trop dense et sucré (15$) et de la glace de bufflonne granuleuse déposée sur une réduction très sucrée de vin rouge (11$), nous avons largement préféré le gâteau aux carottes en forme de madeleine (12$), que l’on « sauce » dans un yogourt au chocolat blanc perlé d’un caramel de fruits.
Si l’objectif du Juliette Plaza est de venir casser la croûte avec des petits plats « au-dessus de la moyenne » à tout moment de la journée entre 11h et 23h, le tout accompagné d’un bon petit verre de vin ou d’un cocktail bien fait, c’est définitivement mission accomplie.
Si l’on décide toutefois de s’y poser pour une soirée entière, c’est une tout autre expérience qui peut nécessiter une (très) grande ouverture d’esprit, et un portefeuille bien garni.
L’ambiance : Animée, vivante, rythmée
Ce que l’on mange : Des plats parfois régressifs et nostalgiques faisant des clins d’œil à la culture culinaire québécoise, parfois audacieux, mais toujours exécutés avec sérieux
Ce que l’on boit : Très bons cocktails et une des cartes des vins les plus excitantes en ville (celle du Montréal Plaza accessible)
⭐️⭐️⭐️ sur 5
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